Les techniques de fabrication des émaux de Longwy : secrets d’atelier

Aucune statistique ne viendra jamais expliquer la magie d’un émail de Longwy. Chaque pièce naît d’une alchimie où l’exigence frôle l’obsession : la température du four se surveille comme un secret de famille, la composition des oxydes se transmet à voix basse, à l’atelier. La moindre variation, le moindre écart dans le geste, et l’éclat du bleu, du vert ou du jaune se métamorphose. Derrière l’apparente rigueur du procédé, l’unicité s’impose, pièce après pièce.

Certains décors, longtemps réservés à quelques collectionneurs ou commanditaires prestigieux, restent l’apanage de quelques mains expertes. L’exécution réclame des étapes supplémentaires, parfois plusieurs semaines de patience, et un savoir-faire que l’on n’apprend pas dans les livres. À Longwy, les secrets d’atelier se murmurent. Le geste se montre, se corrige, se perfectionne, génération après génération.

Un patrimoine lorrain qui traverse les siècles

Longwy, ville ouvrière nichée en Meurthe-et-Moselle, porte en elle un héritage singulier. Depuis 1798, la Manufacture des Émaux de Longwy, fondée par la famille Boch, s’inscrit dans le paysage industriel de la Lorraine, dans le sillage de la Révolution. En 1835, la famille d’Huart reprend le flambeau et propulse la faïencerie sur la scène régionale. Un tournant majeur arrive en 1870, lorsque Amédée de Carenza, maître du cloisonné, introduit ce fameux trait d’émail noir qui, bientôt, deviendra la signature de l’atelier. Tradition, innovation, et transmission se croisent alors sans relâche.

La manufacture, toujours installée à Longwy, s’impose comme un repère dans une région façonnée par la sidérurgie et la céramique. Ce savoir-faire, transmis de main en main, figure désormais à l’inventaire du patrimoine culturel de France et jouit du label “patrimoine culturel immatériel”. Des distinctions qui consacrent l’originalité et la qualité des émaux de Longwy, témoins vivants de la Lorraine industrielle et créative.

Pour saisir la chronologie de cette aventure, voici quelques jalons clés :

  • 1798 : fondation par la famille Boch
  • 1835 : reprise par la famille d’Huart
  • 1870 : innovation du cloisonné par Amédée de Carenza
  • Inscription à l’inventaire du patrimoine culturel

La persévérance des faïenceries de Longwy, leur fidélité aux techniques d’origine, offrent à la région une identité forte, ancrée dans le patrimoine vivant du Grand Est. Ici, la mémoire ouvrière se mêle à la précision du geste, et l’histoire continue de s’écrire dans l’argile et l’émail.

Quels sont les secrets derrière l’éclat unique des émaux de Longwy ?

À Longwy, l’éclat d’un émail se cultive comme un trésor. L’atelier garde précieusement les recettes et les tours de main qui font la différence. Tout commence par la technique du cloisonné sur faïence : chaque motif, cerné d’un trait noir d’émail, hérité des traditions asiatiques, attend patiemment d’être rempli de couleurs. Les artisans puisent leur inspiration dans l’Asie, bien sûr, mais aussi dans les lignes souples de l’Art nouveau et les figures audacieuses de l’Art déco.

Le processus ne laisse rien au hasard. Sept métiers différents interviennent, quatre passages au four rythment la création, parfois jusqu’à cent heures de travail pour une seule pièce. Tout débute par la préparation de la pâte, se poursuit par la pose méticuleuse du décor, puis l’application des émaux à base de poudre de cristal et de pigments métalliques : cobalt pour les bleus, chrome pour les verts, or pour les éclats précieux. Le four, enfin, révèle la brillance et la profondeur, figeant à jamais les couleurs.

Les étapes clés de cette fabrication d’exception se distinguent par leur précision :

  • Trait noir cloisonné
  • Remplissage manuel des couleurs
  • Superposition des émaux
  • Cuissons multiples
  • Utilisation de poudres et oxydes rares

Ce qui frappe d’abord, c’est la densité des couleurs, la netteté des contours, l’alliance entre la rigueur du geste et la liberté décorative. Vase, coffret ou cendrier : chaque objet porte la trace d’un métier d’art, reconnu et protégé comme patrimoine culturel immatériel en France.

Étapes et gestes d’atelier : immersion dans la fabrication des émaux

Dans la manufacture des Émaux de Longwy, chaque étape du travail relève d’un véritable ballet. Tout commence avec la faïence brute : la pièce est moulée, séchée, puis ébarbée avec minutie. La surface, encore poreuse, passe ensuite aux mains du décorateur. Sur ce fond blanc, le fameux trait d’émail noir se dessine, isolant chaque future zone de couleur. Ce savoir-faire, arrivé à Longwy grâce à Amédée de Carenza, reste le socle de l’identité de la maison.

Vient alors le remplissage, étape clé où chaque alvéole reçoit l’émail, déposé à la goutte ou au pinceau. L’intensité de la teinte dépend de la justesse du geste, de la qualité des pigments métalliques choisis, et du dosage du cristal. Cette pâte colorée, d’apparence terne, ne révèlera sa beauté qu’après avoir bravé la fournaise.

La pièce, soumise à jusqu’à quatre cuissons successives, se transforme à chaque passage. Les couleurs d’abord sourdes s’embrasent, fusionnent, gagnent en profondeur. L’œil averti repère alors la signature du décorateur, la finesse du cloisonné, la précision du décor. Qu’il s’agisse d’un vase, d’une boîte à bijoux ou d’un simple cendrier, chaque création sort de l’atelier auréolée du statut de pièce unique, témoin vibrant de la tradition lorraine inscrite à l’inventaire du patrimoine culturel.

Jeune femme inspectant des vases émaillés dans un atelier

L’artisanat de Longwy aujourd’hui : entre tradition et création contemporaine

La manufacture des Émaux de Longwy ne cesse jamais de conjuguer fidélité au passé et ouverture vers l’avenir. Depuis 2015, l’intégration au groupe Manufactures EMBLEM offre un nouvel élan à l’atelier, dont les pièces circulent désormais dans pas moins de 16 pays, de l’Europe à l’Asie. Les gestes d’antan perdurent, mais la maison accueille aussi des créateurs d’aujourd’hui. Des collaborations avec India Mahdavi, Vincent Darré, Pierre Marie ou José Lévy renouvellent le langage de la faïence cloisonnée.

Ce dialogue entre héritage et modernité prend corps dans des éditions limitées, à l’image du vase cornet héritage noir, de la chouette Moon signée Clotilde D., ou de l’œuf Happy Face imaginé par Nicolas de Waël. Toutes ces pièces restent fidèles au cahier des charges de l’atelier : sept métiers d’art, plusieurs cuissons, manipulation rigoureuse des poudres et pigments, contrôle qualité à chaque étape.

Les Émaux d’Art de Longwy, créés par Christian et Catherine Leclercq, participent pleinement à cette dynamique. L’entreprise défend une approche créative et s’engage à préserver le caractère unique du patrimoine lorrain. Musées, galeries ou maisons d’édition, telle que Vessière Cristaux à Baccarat, exposent régulièrement ces œuvres, preuve de la reconnaissance acquise par Longwy auprès des amateurs d’art décoratif contemporain.

À Longwy, l’émail ne se contente pas de refléter la lumière : il raconte l’histoire d’un territoire, la ténacité d’artisans, et la capacité d’un savoir-faire à continuer d’éblouir, siècle après siècle. Qui sait quelles couleurs et quels motifs viendront, demain, prolonger cette aventure ?

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