Moins de 10 %. Voilà la part des marchandises transportée par rail en France, alors que la moyenne européenne dépasse 18 %. Les ambitions de report modal, affichées depuis 2009, sont restées lettre morte. Les chiffres n’ont pas bougé en quinze ans, et le rail français ne parvient pas à suivre le tempo imposé par ses voisins.
L’essentiel des financements publics continue de favoriser le réseau routier. Pendant ce temps, la rénovation des infrastructures ferroviaires avance à petits pas. Les professionnels de la logistique dénoncent des tarifs élevés, des contraintes techniques multiples, une coordination insuffisante entre les acteurs. Pendant ce temps, l’Allemagne et la Suisse ont pris une longueur d’avance, portées par une stratégie claire et des choix politiques assumés.
Où en est le ferroutage en France face à l’urgence écologique et économique ?
Le ferroutage en France reste une promesse qui tarde à se concrétiser. Malgré les discours sur la transition écologique, la part du fret ferroviaire s’accroche à 9 %, loin derrière la moyenne européenne. SNCF Réseau doit composer avec un réseau ferré marqué par l’âge et des décennies de sous-investissement au profit de la route.
La rivalité avec le transport routier ne faiblit pas. Les opérateurs dénoncent des retards, une souplesse insuffisante, des régions mal connectées entre elles. Les différents plans d’aide, y compris le plan de relance de 2020, n’ont pas changé la donne. Sur le terrain, les solutions performantes peinent à émerger, freinées par une logistique fragmentée et des infrastructures saturées.
Voici quelques repères pour mieux mesurer l’écart :
- France : moins de 10 % des marchandises transportées par rail
- Union européenne : la moyenne dépasse 18 %
- Des investissements routiers toujours majoritaires
Les acteurs réclament une nouvelle impulsion, un cap affirmé pour le développement du fret. Pourtant, la France temporise, alors que l’Europe accélère. En Allemagne ou en Suisse, la modernisation des infrastructures et la volonté politique ont permis au transport de marchandises de gagner du terrain sur le rail. L’écart entre ambitions nationales et réalité du terrain se creuse, inexorablement.
Les atouts du fret ferroviaire : une réponse concrète aux défis environnementaux et logistiques
Le fret ferroviaire offre une solution robuste pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. Chaque train de marchandises qui circule, ce sont cinquante camions qu’on retire du bitume :
- cinquante camions sur l’asphalte
Le bruit recule, la pollution s’atténue, les routes se délestent. Viser la neutralité carbone ne s’improvise pas : il faut changer en profondeur nos pratiques de transport.
Mais l’apport du rail n’est pas que climatique. Il garantit une fiabilité logistique sur les longues distances. Capacité d’emport, sécurité, très peu de ruptures de charge, autant d’avantages pour tenir ses délais. La logique transport multimodal séduit industriels et chargeurs, qui voient dans le binôme rail-route un levier de compétitivité.
Pour mieux cerner les avantages du fret ferroviaire, voici les points clés à mettre en avant :
- Réduction du CO2 : jusqu’à neuf fois moins d’émissions que la route
- Souplesse et qualité de service : de vrais progrès, adaptés aux attentes des entreprises
- Moins de saturation sur les axes routiers majeurs
Le déploiement du transport combiné rail-route représente l’ossature de cette avancée logistique. Les pouvoirs publics cherchent à faire grimper la part modale du fer, modernisent le matériel, encouragent des solutions pour couvrir tous types de flux. À condition de lever les verrous persistants, la France possède là une carte à jouer pour la logistique et l’environnement.
Pourquoi le ferroutage peine-t-il à décoller malgré ses promesses ?
Le ferroutage en France fait rêver sur le papier. Dans la réalité, l’état du réseau ferré français plombe la dynamique : investissements différés, ateliers vieillissants, gares inadaptées freinent la circulation des trains de marchandises. Face à un transport routier plus flexible et souvent meilleur marché, difficile d’exister.
Les écarts de tarifs restent flagrants. Le prix du fret ferroviaire est rarement compétitif sur les courtes distances ou pour les volumes aléatoires. Les entreprises réclament des tarifs adaptés à la réalité du terrain, mais le coût du réseau pèse lourd dans la balance. Côté digitalisation, le retard se fait sentir : suivi, agilité, intégration logistique, sur ces volets, l’offre ferroviaire ne comble pas encore les attentes.
L’essor attendu des transports combinés rail-route et des autoroutes ferroviaires se heurte à une série d’obstacles : axes saturés, créneaux insuffisants, articulation complexe avec SNCF Réseau et les autres opérateurs. Parallèlement, la route conserve de sérieux avantages avec un carburant abordable et une réglementation souple.
Les obstacles identifiés sont aujourd’hui connus de tous :
- Modernisation du réseau qui tarde à venir
- Manque d’attractivité des tarifs pour les expéditeurs
- Pénurie de créneaux réservés, priorité donnée aux voyageurs
- Digitalisation du secteur qui peine à convaincre
On ne peut pas invoquer une absence de volonté politique : c’est toute la lenteur de l’évolution structurelle qui joue contre la France. Même pionnière du transport combiné, elle se heurte de plein fouet à la complexité des mutations à opérer dans l’industrie, la logistique, le social.
Exemples en France et en Europe : des initiatives inspirantes pour accélérer la transition
Certains modèles tracent déjà la voie. Sur la ligne Perpignan–Luxembourg, l’autoroute ferroviaire poursuit son développement, avec l’objectif de transférer une part significative du trafic poids lourds vers le rail. Cette avance s’appuie sur la synergie entre SNCF et opérateurs privés, preuve que le transport combiné performant sur de longues distances n’est pas hors de portée malgré des défis logistiques. Autre illustration frappante : la relance du train des primeurs Perpignan–Rungis. Ce service, emblématique, s’adapte pour livrer Paris en produits frais grâce à une organisation moins dépendante du carbone.
En Europe, on accélère. L’Italie mise sur des corridors multimodaux portés par des mesures tarifaires incitatives et des efforts de modernisation. L’Allemagne pousse fort sur la remise à niveau de son réseau, soutient ses opérateurs via des aides financières, réserve des plages horaires prioritaires au transport de fret sur certaines lignes. Résultat : le rail progresse de façon tangible.
Le plan 4F en France, appuyé sur le plan de relance européen et les lignes directrices du Green Deal, parie sur une augmentation du rail. Les nouvelles lignes régionales, l’expérimentation des RER métropolitains et la montée en puissance des trains de nuit montrent l’existence d’un mouvement, que l’Europe pousse encore. Les initiatives associatives et citoyennes ajoutent à la pression sur les décideurs pour accélérer le basculement logistique vers le rail.
La situation actuelle n’a rien d’une fatalité. Expériences européennes et avancées françaises le rappellent : reprendre la main sur le temps perdu reste possible. Reste à savoir si la France choisira de rejoindre la course, ou de voir le prochain train passer sans monter à bord.


